Août/110
Flâner à Rome
Revue de presse
Andrée Lebel, La Presse, 20 août 2011
Outre ses incontournables (Colisée, Forum, musée du Vatican, etc.), Rome compte bien d'autres attraits pour les touristes. Flâner dans ses rues est d'ailleurs une source d'innombrables plaisirs. Tous les sens sont en éveil et il suffit de se laisser porter par les couleurs, les odeurs et les sons. On va d'une place à l'autre, on s'émerveille devant les statues et monuments, on s'assoit près des fontaines, on découvre quelques délices de la cuisine romaine et on en rapporte des souvenirs de dolce vita.
Photo ci-dessus : L’église de la Trinité-des-Monts et le célèbre escalier de la Place d’Espagne. (Photo Jacques Lanciault)
Piazza Navona
La piazza Navona est l'une des places préférées des flâneurs. Harmonieuse, élégante et populaire, elle est une sorte de condensé de la ville éternelle et assurément l'un des meilleurs endroits pour apprécier la douceur des soirées romaines. Avec l'église Sant'Agnese in Agone, ses sculptures et fontaines, c'est un chef-d'oeuvre de l'art baroque.
Aménagée sur la piste du premier stade de Rome dont elle a conservé la forme oblongue, la piazza Navona a été remodelée par le pape Innocent X Pampili au XVIIe siècle. Dans l'alignement des deux fontaines de Neptune et des Maures, il a fait ériger la fontaine des Quatre-Fleuves dans laquelle Le Bernin a fait preuve de virtuosité. Autour d'un obélisque provenant du cirque de Maxence, quatre statues représentent des grands fleuves de quatre continents: le Danube, le Rio de la Plata, le Gange et le Nil.
À la même époque, le pape a aussi fait réédifier l'église Sant'Agnese in Agone, qui s'élève sur les ruines du bordel où Agnès (13 ans) fut jetée après avoir refusé d'abdiquer sa religion. Entre 1652 et 1670 plusieurs architectes (dont Le Bernin et Borromini) se sont succédés pour compléter cette église en modifiant chaque fois le projet de leurs prédécesseurs. Au final, Borromini est en grande partie responsable de la façade, des campaniles et du dôme, qui est une véritable splendeur. Cette petite église, encore utilisée pour les services religieux, possède aussi une architecture et une décoration exceptionnelles. Il faut prendre le temps de s'asseoir pour se laisser imprégrer de tant de beauté.
Mais ce qui attire les touristes à la piazza Navona, c'est surtout l'achalandage continuel de la place piétonne. Pendant la journée, des manifestations de toutes sortes s'y déroulent pendant que les flashs des appareils photo crépitent devant les beaux bâtiments aux nuances d'ocre et de rose. À mesure que le soleil descend, les artistes envahissent les moindres espaces. Musiciens, peintres, caricaturistes, jongleurs et vendeurs rivalisent d'imagination pour susciter l'intérêt des passants.
Les prix sont plutôt élevés dans les restaurants de la piazza Navona. Toutefois il ne faudrait pas se priver d'un tartufo chez Tre Scalini (www.trescalini.it). Pour en diminuer un peu le coût, commandez-le au comptoir du glacier et allez le déguster au bord d'une fontaine.
À proximité de la piazza Navona, l'église Sant'Agostino abrite une fresque de Raphaël tandis que l'église San Luigi dei Francesi possède trois chefs-d'oeuvre du Caravage. Il faut aussi découvrir l'ambiance Belle Époque qui règne chez le plus célèbre glacier de Rome, Giolitti (www.giolitti.it), établi depuis 1900.
Campo de' Fiori
Impossible de résister au charme de Campo de' Fiori, situé entre la piazza Navona et le palais Farnese. Cet ancien «champ de fleurs» est l'une des places les plus pittoresques de Rome et aussi l'un de ses plus anciens quartiers. Campo de' Fiori est surtout fréquenté par les Romains, dont bon nombre habitent dans les alentours.
L'imposante statue de Giordano Bruno, en plein centre, semble habiter la place. Accusé d'hérésie par l'Inquisition, le moine Bruno a été brûlé vif à cet endroit en 1600. Planent aussi l'ombre de Lucrèce Borgia, qui y est né, et le souvenir d'un ancien drame: Le Caravage y a assassiné un rival après avoir perdu une partie de paume.
Du matin au soir, Campo de' Fiori ne cesse de se transformer. Du lundi au samedi, dès les premières heures du matin, les vendeurs installent leurs étals au milieu de la place pour offrir fleurs, fruits et légumes frais. Jusque vers 13h30, ce marché en plein air baigné de bonnes odeurs est agrémenté d'une joyeuse cacophonie. C'est agréable d'y prendre le petit-déjeuner pendant que des femmes de tout âge choisissent les légumes du prochain repas familial. Entre 16h et 20h, la place baigne dans une sorte de nostalgie qui se dissipe à mesure que les clients s'attablent aux terrasses et que des musiciens s'installent près de la statue de Bruno. Un peu plus tard, la lune qui se détache dans le ciel au-dessus des édifices constitue un décor romantique à souhait.
Campo de' Fiori compte plusieurs trattorias, pizzerias et restaurants ou règnent authenticité et simplicité. Situé côte à côte, mentionnons Forno campo dei Fiori (www.fornocampodefiori.com) pour ses focaccias, et La Carbonara (www.la-carbonara.it) pour son ossobuco et ses gnocchis aux truffes noires. Ce restaurant propose une cuisine typiquement romaine et traditionnelle depuis plus de 100 ans. Il y a aussi Da Baffetto (www.pizzeriabaffeto.ita), reconnu pour ses pizzas croquantes à prix raisonnables.
Les petites rues autour de Campo de'Fiori sont bordées de boutiques de toutes sortes. Il n'est pas rare d'y voir des artisans à l'oeuvre et de rencontrer des artistes qui ouvrent leur studio-galerie aux visiteurs.
Ceux qui se dirigent ensuite vers la piazza di Spagna peuvent faire un arrêt au Panthéon, le monument antique de Rome qui est le mieux conservé. Un peu plus loin, si l'on réussit à se faufiler à travers la foule compacte de touristes, on pourra apercevoir la fameuse fontaine de Trévi et même y jeter une pièce de monnaie.
Piazza di Spagna
Toujours très fréquentée, la «place d'Espagne» est également colorée, spécialement au printemps lorsque les azalées sont en fleur. Outre une place triangulaire, l'ensemble de la piazza di Spagna comprend la fontaine della Barcaccia (probablement l'oeuvre du Bernin) et le double escalier qui rejoint l'église Trinita dei Monti (1502). De jour comme de nuit, les flâneurs viennent y prendre le pouls de Rome.
Du haut de l'escalier, construit entre 1723 et 1726, la vue est exceptionnelle sur les toits fleuris du quartier et aussi sur la prestigieuse via Condotti. Les boutiques de tous les grands noms de la haute couture y sont situées, sur quelques centaines de mètres seulement. Et les attroupements sont nombreux devant leurs vitrines.
Il faut absolument entrer au fameux Antico Caffe Greco, établi au numéro 86 de la via Condotti depuis 1760. Fréquenté par une foule de gens célèbres dont Goethe, Casanova, Stendhal, Baudelaire et Listz, l'établissement est une véritable institution. Mais les prix sont à la hauteur des petites tables de marbre et des serveurs à l'allure aristocratique: 6 euros pour un espresso.
Une fois en haut de l'escalier, il suffit de quelques minutes de marche pour se rendre au magnifique parc de la villa Borghese.
Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.
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