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Août/11
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La compétition est un bon serviteur, mais un bien mauvais maître

Opinion

Texte d’André Lachance, directeur des opérations baseball à Baseball Canada

Little League World Series Ottawa Ontario, le 26 août 2011 - Plus de vingt millions de dollars en équipement technologique de toutes sortes, neuf caméras situées stratégiquement autour du stade (une de plus qu’une partie régulière des ligues majeures), deux caméras suspendues, douze micros afin de capturer le moindre son, deux analystes de parties régulières des ligues majeures, deux reporters sur le terrain, plusieurs appareils sans fil, 60,000 pieds de câbles, quatre véhicules techniques de 53 pieds de long chacun et 85 moniteurs afin de proposer le jeu et les reprises sous tous les angles possibles. Bienvenue à Williamsport en Pennsylvanie, site de la série mondiale des petites ligues.

Chaque mois d’août, cette compétition regroupe des équipes provenant de partout à travers le monde afin de déterminer qui pourra passer l’hiver à prétendre être la meilleure équipe au monde dans la catégorie des 13 ans et moins. La chaîne sportive ESPN présente plus de 30 parties de cet événement alors que plusieurs autres chaînes sportives spécialisées reprennent ces images pour la retransmission ou pour les bulletins de nouvelles de fin de soirée. C’est à se demander si cette compétition sert la cause des jeunes sportifs et si le sport en général n’est pas aux prises avec le même malaise. Quel est vraiment l’intérêt de présenter une telle compétition à la télévision?

Alors que certaines compétitions sont nécessaires à un certain stade de développement, elles ne représentent pas un investissement rentable dans le développement sportif de nos enfants. Par exemple, l’envoi d’une équipe jeunesse de soccer du Québec à un championnat national organisé en Alberta coûte environ 26 000 $, soit à peu près l’équivalent d’un entraîneur à plein temps pendant six mois! Et les équipes sportives prétendent manquer d’argent pour fonctionner convenablement! Est-ce que nous investissons vraiment nos ressources financières au bon endroit?

En regardant ces parties à la télévision et malgré le fait que ces jeunes hommes revêtissent un uniforme semblable à ce que l’on peut retrouver dans les grandes ligues, nous oublions trop souvent que ces jeunes de 13 ans ne sont pas des adultes en miniatures et que leur habileté à faire face à la pression et à toute cette couverture médiatique n’est pas au même point qu’un jeune adulte avec le bagage d’entraînement et d’expériences sportives. Derrière cette exagération face aux compétitions et du même coup ce sous-entraînement se cachent des attitudes de parents et d’entraîneurs qui vont frémir.

Ces entraîneurs doivent faire relever le jeu de ces jeunes pré-adolescents et du même coup dévier de leur tâche première de faire du sport un milieu favorisant le développement global des habiletés sportives tout en évitant la spécialisation précoce. Invoquer l’excuse que « les joueurs aiment prendre part à des compétitions et ne sont pas motivés à juste s’entraîner » n’est qu’un reflet de leur incapacité d’offrir un entraînement de qualité. Tout dépend de leurs compétences.

La date limite choisie pour l’admissibilité à la série mondiale des petites ligues est le 1er avril ce qui signifie que pour être admissible à jouer, un enfant ne peut atteindre l’âge de 13 ans avant le 1er avril de l’année en cours.

En regardant l’édition 2011 de la compétition, il est à noter que 75 % des jeunes sont nés entre les mois d’avril et d’octobre laissant ainsi peu de places aux jeunes nés entre les mois de novembre et mars. Cette observation n’est pas une coïncidence alors que les certains de ces jeunes garçons sont directement dans leur puberté et une différence de 8-9 mois à cet âge fait toute la différence du monde. Il y a donc également une différence notable entre la force du bras, la puissance générale et la coordination des mouvements. Dans certains cas, nous avons des hommes qui jouent sur le même terrain que des enfants.

Comme la série mondiale des petites ligues est constituée d’équipe d’étoiles, il devient alors évident d’y constater que ces équipes seront constituées de jeunes hommes nés près de la date limite permise. Si vous avez comme plan de concevoir un enfant et de favoriser son succès, vous avez maintenant la recette du bon timing !

La plupart de ces jeunes joueurs participeront à des activités de baseball pendant toute l’année avec certains parents allant dépenser jusqu’à 10,000 $ ou plus par année pour les frais de tournois, le déplacement, l’hébergement, les leçons privées ou l’équipement de dernier cri développé par la NASA.

Cela explique sûrement le taux élevé de décrochage sportif chez les jeunes une fois cette folle période derrière eux. Le plaisir n’y est plus, ou les blessures font surface. Cela explique peut-être également le faible taux de joueurs ayant participé à cette série mondiale et ayant fait leur chemin jusqu’aux grandes ligues. En 58 ans d’histoire, seulement 29 l’ont fait et parmi ceux-ci, vous pourriez reconnaître qu’une poignée de noms, la plupart n’ayant fait que passer.

Est-ce vraiment nécessaire de savoir qui est la meilleure équipe de joueurs de 12 ans au monde?

La compétition n’est pas mauvaise en soi, mais le message important à retenir est que trop de compétitions ou la participation à des compétitions non appropriées peuvent freiner le développement de l’athlète, tout comme pas assez de compétitions d’ailleurs.

C’est ainsi que le mouvement « Au Canada, le sport c’est pour la vie » invite les fédérations sportives nationales et provinciales à implanter un programme de développement à long terme de l’athlète et à revoir leurs programmes et leurs systèmes de compétition afin de déterminer le nombre optimal de compétitions à chaque stade de développement.

De cette façon, nous pourrions nous assurer de ne pas trop insister sur la compétition et de ne pas trop axer les programmes d’entraînement sur la tactique et la prise de décisions au détriment du développement des fondements à la base de l’entraînement (vitesse, endurance, habiletés, force et souplesse). En ne développant pas ces qualités à ces stades de développement si important, nos athlètes y perdent; leur potentiel à long terme s’amenuise et beaucoup d’entre eux sont exclus et retranchés avant qu’ils ne puissent parvenir à leurs meilleures performances. Et être exclu ou retranché, c’est loin d’être agréable!

Si le sport au Canada aspire à l’excellence sur la scène internationale et si on vise à accroître le taux de pratique de l’activité physique, on ne peut insister trop sur l’importance de rationaliser le système de compétition.

Texte publié par Jacques Lanciault.

Remplis sous: Baseball et softball Mots clés:
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