Août/120
« Je n’ai aucun regret » – Pierre-Luc Laforest
Revue de presse
Propos de Pierre-Luc Laforest recueillis par Robert Latendresse, RDS.CA, 29 août 2012
Avant le début de la saison, j'avais une très bonne idée que cette campagne allait être ma dernière en tant que joueur. J'espérais simplement avoir la chance de jouer un peu plus que je ne l'ai fait, mais l'état de mon genou gauche ne m'a jamais permis de reprendre ma place.
Puisque notre position confortable au classement le permettait, le gérant Patrick Scalabrini a pu insérer mon nom deux fois dans l'alignement afin que je puisse terminer ma carrière en beauté, car une autre importante opération m'attend cet hiver et je ne pourrai pas envisager jouer à nouveau. Il s'agit d'une intervention rare qui s'appelle ostéotomie, une opération où on scie carrément les os pour prévenir une plus grande détérioration du genou. Il s'agit de la seule option avant le remplacement d'un genou.
Photo ci-dessus : Pierre-Luc Laforest, un ex-champion frappeur de la Ligue de baseball junior élite du Québec, a connu une époustouflante carrière dans le baseball professionnel. (Photo Nandre Bois)
C'est l'an dernier au camp d'entraînement des Capitales que j'ai commencé à ressentir de la douleur. Par la suite, ça s'est mis à débouler jusqu'à ma retraite. J'avais été opéré au genou en 2001, mais je n'avais pas eu d'ennuis depuis.
Je m'étais entraîné très fort pour être capable de revenir et je suis encore en mesure de frapper, mais je n'arrive plus à courir. C'était frustrant. En disputant mes deux dernières parties la semaine dernière, j'acceptais la situation sereinement tout en la trouvant bizarre. Je n'avais pas joué cette saison, mais puisque j'étais instructeur des frappeurs, je sentais que j'étais un membre de l'équipe comme un joueur. À ma façon, j'avais le sentiment d'aider le club.
J'étais heureux d'avoir l'opportunité de fermer un chapitre de ma vie en disputant ces deux parties. J'ai été pris par surprise quand mon gérant m'a annoncé, 30 minutes avant la partie contre le New Jesey, que j'allais être de l'alignement. Honnêtement, je n'y croyais plus.
J'étais tellement nerveux en me présentant à la plaque la première fois. Mon coeur battait tellement vite et mes jambes tremblaient. Je ressentais à nouveau cette adrénaline et c'était tellement plaisant. Les trois présences suivantes au bâton ont été plus calmes parce que j'ai été en mesure de relaxer. J'ai été très satisfait de mon travail au bâton et j'ai obtenu un ballon-sacrifice. J'ai même failli réussir un circuit. Le lendemain, lors de mon dernier match, ç’a été un peu plus difficile.
Lors de cette dernière rencontre, j'ai essayé de trop en faire. C'est comme si je voulais défoncer les clôtures à chaque présence. J'ai ressenti un feeling débile quand la foule s'est levée en huitième manche pour m'accorder une ovation. C'était la première fois que je vivais une expérience comme celle-là. En saluant la foule extrêmement bruyante de plus de 4000 personnes, je sentais le motton qui montait dans la gorge. J'étais littéralement incapable de prendre ma place dans le rectangle des frappeurs.
J'étais tellement heureux parce que j'ai connu une très belle carrière et je n'ai aucun regret. J'ai vécu de très belles émotions. À ma dernière présence, j'avais les larmes aux yeux, la gorge nouée, mais j'étais vraiment heureux. C'est en rentrant à la maison que la réalité m'a frappé et que je me suis rendu compte que c'était terminé, que je ne retournerais plus au bâton.
Malheureusement, ma famille était loin de moi lors de ces moments de vives émotions. Mon père n'a pu se déplacer, ma mère travaillait alors que ma femme était au Michigan. Comme j'ai su à la dernière minute que j'allais disputer ces deux parties, on a été pris de court et personne n'a pu se libérer. Ma femme, qui partage ma vie depuis quatre ans, était déçue de ne pas être sur place. Avant la partie, j'avais téléphoné à mes parents pour leur annoncer la nouvelle.
Ma conjointe a été importante pour moi. Elle m'a accompagné et encouragé dans mon parcours ces dernières années sans jamais penser à elle. Elle a toujours accepté de me suivre au Japon ou à Taiwan par exemple. Mes parents aussi ont toujours été derrière moi. Ils ne m'ont jamais poussé. Ils m'ont plutôt supporté. Tout ce support vaut de l'or.
Que de beaux souvenirs
Mon parcours dans le baseball m'a procuré d'innombrables souvenirs, que je vais chérir pour le reste de ma vie. Il y a des moments que je ne pourrai jamais oublier. Mon plus beau souvenir a été mon rappel par les Devil Rays de Tampa Bay en 2003. Je n'ai rien oublié de cette journée et je me souviens de tout ce que le gérant Lou Piniella m'avait dit. J'avais l'impression d'accomplir mon rêve et de me retrouver là où j'avais toujours rêvé d'être.
Je suis très fier également d'avoir représenté mon pays aux Jeux olympiques. C'était absolument fantastique. Les championnats remportés au niveau AAA, je ne pourrais jamais les oublier non plus, tout comme cette remontée de dix parties sur les Mets de New York que j'ai vécu dans l'uniforme des Phillies de Philadelphie en 2007. Les partisans des Phillies étaient incroyables et ils réagissaient toutes les fois qu'il se passait quelque chose dans une partie qui impliquait les Mets en agitant leur serviette. Je vivais des émotions uniques à toutes les deux manches.
Mon premier circuit dans l'uniforme des Capitales de Québec figure aussi sur ma liste. Émotivement, c'était tellement mémorable. À ma première partie au Stade municipal, j'ai frappé un circuit et, pendant que je contournais le deuxième but, j'ai aperçu la foule qui exultait. C'était comme si je venais d'ouvrir mes oreilles et que j'entendais la clameur. Je voyais les gens debout qui criaient. En contournant le troisième but, je voulais pleurer tellement c'était spécial de frapper un circuit à la maison. Je ne sais pas combien de circuits j'ai frappé, mais celui-là, je ne l'oublierai jamais de ma vie. En 17 ans, c'est le circuit qui m'a touché le plus.
Ce circuit avec les Capitales a été plus marquant pour moi que mon premier dans les ligues majeures. C'était spécial de réussir une longue balle avec les Devil Rays, mais j'avais l'impression que ce n'était qu'un autre circuit simplement. À Québec, c'était juste un autre circuit jusqu'à ce que je réalise la situation. C'est vraiment le circuit le plus mémorable de ma carrière.
J'ai participé à 68 parties en carrière dans le baseball majeur et je n'ai jamais eu la chance de jouer contre les Expos de Montréal. Mais j'ai eu un peu l'impression de jouer contre les Expos quand j'ai affronté Pedro Martinez et les Red Sox de Boston au Fenway Park en 2003. J'avais même réalisé un coup sûr à ses dépens alors que mes parents assistaient à la partie. Ça ne s'oublie pas un moment comme celui-là.
Je veux rester dans le baseball
C'est la fin de ma carrière de joueur de baseball, mais c'est aussi le début d'une autre carrière. J'espère demeurer avec une équipe comme instructeur et redonner aux jeunes ce que le baseball m'a donné. Je pense que je peux aider n'importe quel joueur. J'ai eu de bonnes et des moins bonnes expériences qui peuvent aiguiller des jeunes et je pense que j'ai beaucoup à offrir. Si je suis capable d'aider un seul joueur à atteindre son but, je serai très heureux.
Je suis également actionnaire d'une petite compagnie aux États-Unis avec mon beau-père. On achète des maisons que nous rénovons pour revendre. C'est une autre option qui s'offre à moi.
J'ai déjà eu une offre des Rays pour devenir instructeur dans leur système de filiale. Cette offre m'a été présentée il y a quelques années et je n'ai qu'à communiquer avec l'équipe pour voir si la proposition tient toujours. J'ai passé huit ans avec cette organisation et notre relation a toujours été bonne. Les Rays préfèrent embaucher des joueurs qui sont passés par leur système plutôt que d'aller engager à l'extérieur. C'est une option qui s'offre aussi à moi, mais j'aime beaucoup le baseball indépendant, qui répond mieux à mes besoins familiaux, car je tiens à rester près de ma femme et de mon fils. Dans la Ligue Can Am par exemple, la saison dure quatre mois alors que c'est au moins le double dans le baseball affilié.
Moi et ma femme, on adore Québec, qui est une belle option pour moi. Les Capitales, c'est une deuxième famille pour moi. Je vais prendre une décision dans les prochains mois.
Une finale qui promet
Les Capitales vont tenter de gagner un quatrième championnat de suite la semaine prochaine avec la tenue de la finale de la ligue contre les Jackals. Les parties contre le New Jersey ont toujours été très émotives et on a toujours soif de victoire contre les Jackals. Notre volonté de vaincre semble plus forte contre eux et on veut toujours les battre. Le passé a même été marqué de quelques altercations entre les deux clubs.
Les Jackals sont un club qui nous va bien. Nos lanceurs excellent contre les droitiers, qui constituent le coeur de l'attaque des Jackals. Notre rotation est composée de droitiers alors qu'en relève on mise sur le gaucher Tony Davis, qui est phénoménal contre les frappeurs gauchers. Il lance de côté et il est très cochon face aux gauchers. L'an dernier, il lançait avec les Twins du Minnesota au niveau AA.
Les Jackals ont trois frappeurs de puissance, mais à mon avis, ce sont les jeux de base qui font gagner une équipe en séries. Quand tu mises trop sur la longue balle, c'est dangereux. Tu peux gagner des parties 15-2, mais tu peux perdre aussi 2-1. Quand tout le monde frappe, ça va, mais quand ça frappe moins, c'est plus difficile de gagner si tu mises trop sur la puissance. Je pense que cet aspect est facile à gérer, car nous misons sur de très bons lanceurs qui font très peu d'erreurs dans une partie. Karl Gélinas, Bryan Rembisz et Jeff Duda sont très solides au monticule.
Les Jackals aussi ont deux bons partants en Isaac Pavlik et Steve Fox. Je dirais qu'une rivalité existe depuis quatre ou cinq ans avec Pavlik, qui lance très bien contre nous. On adore le battre. Quant à Fox, on l'a affronté deux fois. La première fois, on avait eu l'air de jeunes de 12 ans, mais la deuxième fois, on lui avait fait sa fête à Québec. On ne sait pas quel Fox nous allons affronter cette fois.
Revue de presse publiée par Jacques Lanciault
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