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Musée Pointe-à-Callière: au-delà du sourire étrusque
Revue de presse
Jean Siag, La Presse, 25 juin 2012
Pour inaugurer son nouveau pavillon, la directrice du musée Pointe-à-Callière, Francine Lelièvre, a réussi un beau coup: monter la première expo au Canada sur les Étrusques, ce peuple de l'Antiquité qui a vécu dans la région toscane pendant près de 1000 ans avant d'être assimilé par les Romains au Ier siècle. La Presse a visité l'expo ouverte au public depuis samedi.
Photo ci-dessus : Les Étrusques dans le nouveau pavillon de Pointe-à-Callière. (Photo: Ivanoh Demers, La Presse)
Cette exposition sur le peuple étrusque a été confiée au réputé étruscologue italien Filippo Delpino, qui s'est affairé à réunir ce qu'il appelle «un échantillon significatif» de ce qu'il nous reste de cette civilisation. On y trouve environ 200 objets provenant essentiellement des tombes trouvées au fil des derniers siècles dans les 12 cités étrusques. Des pièces prêtées par une vingtaine de musées, dont le Musée étrusque de Villa Giulia, à Rome, et le Musée archéologique de Florence.
Francine Lelièvre s'est intéressée aux Étrusques durant ses années universitaires. «C'est une civilisation mystérieuse, qui m'a toujours fascinée raconte-t-elle. Cette expo, j'en rêve depuis longtemps. Il y a 10 ans, j'ai dit à Filippo: «On va faire une expo ensemble sur les Étrusques.» Mais il me fallait une plus grande salle pour rendre hommage à une si grande civilisation. La construction de ce nouveau pavillon était le prétexte idéal pour réaliser ce projet sur lequel nous avons travaillé pendant cinq ans.»
Territoires et objets
Le parcours de l'expo, qui nous mène sur deux des quatre étages du nouveau pavillon «La maison des marins», nous renseigne d'abord sur le territoire de l'Étrurie, avec cartes et reconstitutions vidéo à l'appui. Un buste de l'empereur romain Claude nous rappelle dans la toute première salle qu'il était un étruscophile notoire. Il aurait d'ailleurs écrit 10 tomes sur l'histoire des Étrusques, des écrits qui n'ont pas survécu au passage du temps.
On y découvre ensuite ces objets qui témoignent du passage des Étrusques, pour la plupart des offrandes qui ornaient les tombeaux des défunts, un peu à la manière des Égyptiens, avec qui ils partageaient l'idéal d'éternité et avec qui ils entretenaient des liens commerciaux. Comme avec les Grecs, et tous les peuples méditerranéens, d'ailleurs. Vases, jarres, statuettes, outils agricoles, armes, urnes funéraires en forme de maisons, les objets sont pour la plupart parfaitement conservés.
On s'est beaucoup interrogé sur les origines de ce peuple, sa langue, son écriture, ses habitudes, nous dit Francine Lelièvre. À partir du XVe siècle, on a commencé à trouver des objets qu'on a pu relier à cette civilisation. Mais les découvertes les plus importantes ont été faites au XIXe siècle. Les céramiques étrusques noires (bucchero) en sont sans doute les pièces les plus caractéristiques. C'est un peuple qui nous apparaît créatif, religieux et pas du tout guerrier. Beaucoup plus proches des Grecs que des Romains.»
Vie quotidienne
Petit à petit, l'expo s'intéresse à ces hommes et à ces femmes qui seraient les premiers autochtones d'Italie (les Italiques). On tente aussi de cerner leurs habitudes de vie. On y trouve par exemple des instruments de cuisine, des chaudrons et de très rares bibelots de verre, mais aussi des objets qui témoignent de la coquetterie des femmes étrusques, comme ces bouteilles de parfum, ces bijoux et autres broches à cheveux.
Autre élément important de l'expo: les immenses calques et dessins réalisés par Carlo Ruspi sur papier parchemin, qui reproduisent les fresques peintes sur les murs de la tombe du Triclinium, à Tarquinia, découverte en 1830. Des dessins qui représentent des danseurs, des musiciens et des cavaliers, ainsi que des scènes de banquet. Il est aussi question de l'écriture étrusque, découverte sur des pieds de coupes et des vases ou alors sur des lamelles en or.
Les sourires
Fait amusant, plusieurs sculptures de têtes et de bustes affichent un sourire, comme cet Apollon de Véis ou ce personnage d'Antéfix. Est-ce cela qu'on appelle «le sourire étrusque» ? C'est un détail important, selon Francine Lelièvre, qui y voit un trait de caractère dominant parmi ces gens, qui témoigne aussi de leur sérénité. «C'est aussi une manière de représenter les hommes et les femmes au VIe siècle avant notre ère, ajoute Filippo Delpino. Les Étrusques, mais aussi les Grecs.»
L'expo se termine par une imposante oeuvre baptisée Le sarcophage des époux, une urne funéraire qui était exposée au British Museum jusqu'en 1930, date à laquelle des spécialistes se sont rendu compte qu'il s'agissait... d'un faux. Il s'agirait d'une reconstitution des frères Enrico et Pietro Pennelli, faite au XIXe siècle. Entreposé depuis dans les caves du musée anglais, ce sarcophage impressionnant est exposé pour la première depuis. Il existe deux pièces originales de ce sarcophage, une au Louvre (qui a servi de modèle aux faussaires) et l'autre à Rome, à la Villa Giulia.
Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.
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