Oct/150
Réflexion – 53 minutes inoubliables
Revue de presse
Réal Fradette, Acadie Nouvelle, 16 octobre 2015
Quelle septième manche! Inoubliable! On en reparlera encore dans 20, 30, 50 ans, de ces 53 minutes d’une intensité jamais vue. Que personne ne vienne me dire après ça que nous ne sommes pas de fervents amateurs de baseball! Vivement une équipe à Montréal!
D’abord, le match en soi était déjà pas mal énervant. Cette rencontre décisive de cette série de division de la Ligue américaine entre Texas et Toronto a bien mal commencé pour les Blue Jays, en retard 2 à 0 dès la troisième manche.
Quand Edwin Encarnacion l’a envoyé loin de l’autre côté de la clôture du champ gauche en fin de sixième manche, créant ainsi l’égalité 2 à 2, personne – ni dans le stade, ni les millions de téléspectateurs rivés devant leur petit écran – ne pouvait imaginer le quart du huitième du seizième de ce qui allait suivre…
Cette fameuse septième manche.
D’abord, la balle que voulait relayer le receveur Russell Martin à son lanceur Aaron Sanchez frappe accidentellement le bâton de Shin-Soo Choo. Une chance sur un million que ça arrive. Comme la balle est toujours en jeu, Roughned Odor, de sa position au troisième coussin, se dépêche de venir croiser le marbre. C’était son droit.
Mais là, ça commence. Et ça déboule. L’arbitre du marbre Dale Scott commande l’arrêt du jeu bien avant que le joueur des Rangers ne touche à la plaque payante. S’en suit une contestation du gérant du Texas, qui gagne son point. S’en suit alors une longue contestation du gérant des Blue Jays, John Gibbons, qui perd son point. Il n’en fallait pas plus pour qu’il dépose un protêt. C’est déjà pas mal weird!
Pendant 18 minutes, les arbitres se consultent, vont voir les deux pilotes, expliquent, se questionnent. Et quand le point est finalement accordé, la foule déchaînée du Centre Rogers se met de la partie en lançant des objets sur le terrain. Pas fort. Deux joueurs des Blue Jays en furie sont ensuite expulsés du match par l’officiel au troisième coussin.
Sur les réseaux sociaux, c’est l’avalanche et la consternation.
Quand – enfin – le troisième retrait arrive, Russell Martin s’en retourne à l’abri, la tête entre les jambes.
S’il avait fallu que le match se termine ainsi, on aurait parlé de cette malchance pendant 100 ans.
Mais au baseball, it’s not over ‘till it’s over, a si bien dit le regretté Yogi Berra…
Martin, par un heureux hasard (c’est drôle comme ça arrive souvent au baseball, non?), se présente comme premier frappeur. Roulant de routine à l’arrêt-court, qui cafouille avec la balle. Deuxième frappeur. Roulant au joueur de premier-but qui tente de tourner le double-jeu. Encore un jeu de routine. Encore une erreur.
Tout le monde prévoyait l’amorti, question de faire avancer les coureurs de 90 pieds. Les Rangers l’ont très bien joué et avaient un retrait facile au troisième but. Un autre jeu de routine. Et une autre erreur. Trois en trois; ça se voit dans les ligues de garage, mais chez les pros?
Buts remplis, aucun retrait. La foule à Toronto ne se peut plus. Ni ceux et celles rivés à leur téléviseur.
Autre roulant vers le joueur de premier-but, qui lance au marbre pour le retrait automatique et si possible tourner un double-jeu. La première partie est exécutée parfaitement… mais pas la deuxième. Le coureur suppléant à Russell Martin glisse volontairement dans les jambes du receveur, qui chute. C’est clairement de l’obstruction. Autre sortie en règle du gérant des Rangers. Autre longue reprise vidéo. Cette fois-ci, les Blue Jays en sortent gagnants.
Un retrait, les buts remplis avec Josh Donaldson au bâton, le meilleur producteur de points du baseball cette saison. Menotté, il frappe une balle près des poignets, qui atterrit tout juste hors de portée du joueur de deuxième-but. Un point marque et c’est l’égalité.
Puis, vient Jose Bautista. Le reste fait partie de l’histoire. Avant de contourner les sentiers, il lance son bâton d’un élégant geste qui devient du coup célèbre. C’est l’euphorie. Autant dans le stade que partout au pays. Sur les réseaux sociaux, ça ne dérougit plus. Alors que le frappeur suivant, Edwin Encarnacion, tente de calmer la foule, le lanceur adverse y voit un geste de provocation. Les deux hommes se retrouvent face à face et les bancs se vident pour la deuxième fois.
Jamais je n’avais vu ça. C’était fou, fou, fou.
Les Blue Jays ont gagné le match. Russell Martin peut dormir tranquille. Ils auront beau se rendre en Séries mondiales, ça m’étonnerait que ça égalerait en intensité ces fameuses 53 minutes de baseball qui resteront à jamais gravées dans nos mémoires.
Go Blue Jays Go!
Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.
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