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La grande boucle de Russell Martin
Revue de presse
Jean-François Tremblay, La Presse, le 22 janvier 2019
«Comme un scénario de film.» C'est en ces mots que Russell Martin a décrit ce qu'il vit en ce moment, 10 jours après la transaction qui l'a renvoyé à Los Angeles, l'endroit où tout a commencé pour lui.
Il a poursuivi en rappelant le long trajet pour revenir à la case départ.
«Je passe huit ans dans cette organisation, je me blesse, ils pensent que je suis plus capable de jouer, ils ne m'aiment plus. Je vais ailleurs, les Yankees quand même. Deux années où on participe aux séries les deux fois. Après je vais à Pittsburgh. On dit qu'ils ne sont pas bons, on fait les séries deux années de suite. J'ai une grosse deuxième année à Pittsburgh, je signe un gros contrat à Toronto. On fait les séries deux années de suite. Troisième année, ça commence à dégringoler. Maintenant, j'ai une autre chance de faire les séries. J'ai commencé avec les Dodgers et il y a un travail à terminer.»
Photo ci-dessus : Russell Martin a été échangé des Blue Jays de Toronto aux Dodgers de Los Angeles, le 11 janvier dernier. (Photo : Robert Skinner, La Presse)
À la différence que Russell Martin n'est plus le même. Il est 14 ans plus vieux. Il est désormais père d'une ravissante petite fille de 4 mois prénommée Eva. Il a 1610 matchs dans les genoux, 1370 coups sûrs et 751 points produits dans les bras. Son nom est attaché à jamais à quelques grands moments de l'histoire du baseball. Il a fait partie des bons receveurs de sa génération.
Pourtant, son deuxième séjour avec les Dodgers ressemblera étrangement au premier. Dans ses objectifs personnels, en tout cas. En 2006, Martin devait prouver à tout le baseball majeur qu'il avait ce qu'il fallait pour devenir quelqu'un. En 2019, il doit prouver à tout le baseball majeur qu'il a ce qu'il faut... pour le rester.
«Une partie de la motivation est que je ne veux pas que ce soit ma dernière année. Si je ne joue pas bien, il y a de bonnes chances que ce soit ma dernière année et je ne veux pas. Je fais ce que je dois faire pour être en forme, avoir une bonne saison.»
C'est pourquoi sa rencontre médiatique précédait une journée régulière d'entraînement à Terrebonne. Il a répondu à quelques questions, avant d'aller lancer des balles, et en frapper d'autres, avec des joueurs de ligues mineures. Question d'éviter de prendre le retard dans sa préparation hivernale que son corps de 35 ans ne lui pardonnerait pas.
Martin a un peu changé sa routine pour y inclure plus de gestes techniques spécifiques au baseball. Peut-être, juge-t-il, est-ce une partie de l'explication pour sa dernière saison, la première sous les ,200 de moyenne et sous les 60 coups sûrs. Dans tous les cas, il sait fort bien qu'il ne peut plus se permettre une telle défaillance.
La transaction
Russell Martin sentait le vent nouveau qui soufflait sur Toronto. Il n'avait joué que deux matchs dans tout le mois de septembre, chaque fois au troisième but. Les jeunes Danny Jansen et Reese McGuire se partageaient la tâche derrière le marbre.
On laissait désormais la place à la relève, dans une équipe en pleine reconstruction. À Toronto, l'avenir était aux Vladimir Guerrero fils et aux Bo Bichette (de qui Martin dit d'ailleurs le plus grand bien), plus aux Russell Martin.
Le Québécois l'a bien compris. Si bien qu'il a fini par donner le feu vert à une transaction au président des Blue Jays Mark Shapiro et au directeur général de l'équipe Ross Atkins. Il sentait que les dirigeants avaient peut-être un peu trop de respect à son endroit pour l'échanger, de par son statut au sein de l'équipe. Il voulait leur forcer la main un peu.
Martin était à Dunedin en Floride, au complexe des ligues mineures des Blue Jays, quand il a appris son sort. C'était une journée normale, il était entouré de quelques coéquipiers des ligues majeures et de plusieurs autres des clubs-écoles. Une thérapeute l'a entraîné à l'écart, Atkins était au bout du fil.
«Je savais que quelque chose s'en venait. Atkins m'avait dit que s'il y avait quelque chose, il allait me le faire savoir pour ne pas que je l'apprenne par les médias sociaux. Il m'a dit que quelque chose se tramait avec les Dodgers. J'ai continué comme si de rien était mon entraînement. Il ne fallait pas que ça paraisse. Mon cerveau ne savait pas quoi penser. Ça m'a pris un moment. Avant la fin de la séance, il m'a dit que ça s'était concrétisé.»
Martin laisse derrière lui une équipe où il a vécu de grands moments durant quatre saisons à représenter le baseball canadien mieux que quiconque. Il se rappelle évidemment la 7e manche du 5e match contre les Rangers du Texas, dans la série de division de la Ligue américaine de 2015. Le moment où Russell Martin a permis un point aux Rangers en lançant sans le vouloir la balle sur le bras de Sin-Soo Choo, puis où José Bautista a racheté son erreur avec le circuit spectaculaire qui lui a valu le «batflip» de tous les «batflips».
Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.
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