Juin/210
Capitaine Joce Blais
Revue de presse
Jean-François Tardif, Le Soleil, le 27 juin 2021
Le jour où l’entraîneur-chef Martin Pouliot lui a confié un rôle capitaine chez les Alouettes de Charlesbourg, Joce Blais ne se doutait pas que cette nomination allait changer sa vie. Presque 30 ans plus tard, c’est pourtant le constat que fait l’ex-baseballeur qui avait été surnommé le bouledogue.
«Être un des capitaines de l’équipe m’a bâti en tant qu’homme», a lancé l’ex-baseballeur. «Avant ça, j’étais vraiment malcommode. J’ai fait des niaiseries quand j’étais jeune. Je suis même allé au tribunal juvénile. Le sport m’a remis sur le droit chemin. Et quand Pizz (Martin Pouliot) m’a donné la responsabilité de prendre soin de son groupe de joueurs, en compagnie de François Laverdière, ça m’a beaucoup valorisé. J’ai embarqué là-dedans à 100 milles à l’heure et j’ai pris ça très au sérieux.
«Le costume m’a très très bien fait. Et cette attitude fait toujours partie du bonhomme aujourd’hui. Je suis toujours un “joueur d’équipe” dans mon travail chez Ronam Construction ou dans l’équipe de softball dans laquelle je joue.»
Blais indique qu’il n’avait jamais accepté qu’il y ait des tricheurs au sein des Alouettes. Mais il n’était pas le genre d’individu à parler ou à critiquer. Il préférait prêcher par l’exemple. Non seulement, il se donnait au maximum sur le terrain lors des entraînements et lors des matchs mais, par exemple, il allait courir avec les joueurs qui ne voulaient pas courir ou il faisait ses exercices avec ceux qui n’aimaient pas en faire afin de les motiver. Il ne cache cependant pas qu’en quelques occasions il avait dû rencontrer des vétérans afin de les remettre dans le droit chemin, des joueurs qui étaient aussi ses amis.
Photo ci-dessus Joce Blais dans l'uniforme des Capitales de Québec. (Photo : Photothèques Le Soleil)
Le bouledogue a aussi pris le temps d’aider ses coéquipiers sur le terrain. Il raconte que si un joueur avait de la difficulté à frapper des balles courbes, par exemple, il lui donnait rendez-vous plus tôt avant un match ou un entraînement et il lui lançait une cinquantaine de courbes question de le mettre à l’aise avec ce genre de tir.
«Je le faisais parce que c’était des gars de mon équipe et que je voulais qu’ils se sentent en confiance à chaque fois qu’ils arrivaient au bâton pour qu’ils frappent et qu’ils performent, pour qu’ils jouent à leur tour et qu’ils ne restent pas sur le banc quatre-cinq matchs de suite et pour qu’ils se sentent importants au niveau de l’équipe.»
Cette attitude, jumelée à celle du coach Pouliot, qui motivait ses hommes à toujours jouer au maximum de leurs capacités et qui leur donnait le goût de gagner, et du travail du co-capitaine Laverdière, avaient permis à tous les joueurs de la formation charlesbourgeoise d’élever leur jeu d’un cran.
Il n’y a pas juste au niveau baseball que Blais prenait soin de ses coéquipiers. Comme tous les joueurs étaient très unis, ils socialisaient ensemble en dehors du terrain. Et l’ex-numéro 8 dit qu’il ne compte pas les fois où il avait emprunté la mini-van de M. Réal Deschênes afin d’aller reconduire des coéquipiers à la maison après certaines soirées bien arrosées. «Je n’ai jamais été sur le party. J’ai donc toujours été le chauffeur désigné.»
Ayant gagné la confiance de ses coéquipiers, Blais est aussi devenu le confident de plusieurs joueurs qui lui ont confié des problèmes personnels. «C’est à moi que les gars parlaient plutôt qu’au coach. En faisant juste mon travail de capitaine, j’ai touché des gens à des places où jamais je ne pensais pouvoir les toucher. Quand je croise d’anciens joueurs, ils continuent tous à m’appeler capitaine. Et c’est la même chose avec les gars avec qui je suis resté plus proche. Je suis toujours capitaine. Je pense que c’est quelque chose qui est resté dans leur tête et dans leur cœur. Stéphane Pouliot, que j’ai toujours considéré comme une machine de baseball, m’appelle aussi M. Baseball parce qu’il dit que j’ai l’essence de l’équipe en moi. Ça me fait dire que j’ai réussi mon travail.»
Les années ont passé mais encore aujourd’hui, il semble que Blais soit prédestiné à recevoir les confidences de ses collègues de travail. «Il faut croire que j’ai une face qui encourage les gars à venir se confier à moi», lance-t-il à la blague. «Il y a des gens qui vivent des affaires difficiles et c’est à moi qu’ils en parlent. Pour moi, c’est une grande source de valorisation.»
Rêve brisé
Gagnant de six championnats avec les Alouettes, Joce Blais a aussi été tout un joueur de baseball. Mais comme il n’était pas le genre d’individu à s’intéresser à ses statistiques, ce qu’il voulait avant tout c’est que son club gagne, il a vraiment su comment il avait été bon au moment où les Alouettes ont retiré son chandail numéro 8. Il a ainsi appris que sa fiche comme lanceur avec les Alouettes était de 96 victoires et 11 revers, qu’il avait déjà frappé pour ,462 lors d’une saison et qu’il avait aussi eu cinq records à son actif dont celui du plus grand nombre de manches sans donner de points mérités, soit 51 manches.
Avec des statistiques aussi impressionnantes, Blais croyait bien attirer l’attention d’une organisation des majeures. Faisant partie des joueurs canadiens admissibles au repêchage de 1996 puis à celui de 1997, il a été ignoré par toutes les équipes. Qu’à cela ne tienne, il a continué de croire en son rêve. Il s’est entraîné encore plus fort entre ses études pour l’obtention d’un DEP en mécanique et un emploi à temps partiel de 35 heures. Il s’est par la suite rendu aux États-Unis à ses frais afin de participer à des camps d’essai ouverts. Mais ses démarches ont été vaines. Parallèlement, il a vu des frappeurs qu’il avait facilement retirés au bâton et des lanceurs contre qui il avait toujours connu du succès être repêchés.
«J’ai échoué en tant que joueur de baseball», lance-t-il des sanglots dans la voix. «C’est peut-être parce que j’ai trop pensé aux autres. Je n’ai jamais voulu être le meilleur joueur de l’équipe. J’ai tout le temps voulu être le meilleur joueur pour l’équipe. C’était mon rôle de capitaine de faire ça. Mais je voulais tellement aller en haut et réaliser mes objectifs... À la fin de ma carrière, à l’âge de 23 ans, j’ai été obligé de consulter pendant un bout de temps pour ça. Et finalement, j’ai tourné la page et je me suis plongé dans autre chose où je me suis impliqué à 100 %. Mais encore aujourd’hui quand j’en parle, ça passe mal. J’ai encore une boule dans la gorge.
«Je pense cependant que si j’avais été dans le baseball affilié, je n’aurais pas eu toute cette belle valorisation que j’ai lorsque j’aide les gens. Il m’arrive même de remercier le ciel que les choses aient tourné comme ça. Il arrive qu’après avoir été repêché, tu t’enfles la tête et tu passes à côté des choses importantes de la vie. Cette déception a remis mes valeurs aux bonnes places. Je pense que le chemin qui s’est présenté devant de moi et que j’ai suivi fut la bonne route pour moi.»
Ses années juniors terminées, Blais en profita pour travailler pendant quelques années. Il renoua cependant avec le baseball quand il accepta d’aller jouer en France avec l’équipe de Rouen, en Division nationale. Une expérience qu’il a adorée au niveau humain, mais qui le laissa cependant sur sa faim au niveau baseball. «Le calibre n’était pas très fort. Il y avait beaucoup d’enseignements à faire et pas beaucoup de performances.»
C’est afin d’évoluer avec les Capitales que Blais revint au Québec en 2001. Invité au camp d’entraînement par Jay Ward, il passa deux saisons avec l’équipe où il compila une fiche de six gains et quatre revers en deux saisons. Une expérience qui lui permit de vivre la vie d’un joueur de baseball professionnel qu’il a vraiment aimée. Son seul bémol, il pense qu’il aurait pu aider sa formation beaucoup plus qu’il ne l’a fait s’il n’avait pas été catalogué releveur.
«Je n’ai pas été utilisé à ma pleine valeur. Je pense que j’aurais été capable de jouer receveur ou troisième but et que j’aurais été un bon frappeur. Il y a des semaines où je n’ai pas joué et j’ai été placé au ballotage à quelques reprises. C’est un peu le côté plat du baseball professionnel. Mais j’ai fait plein d’activités promotionnelles avec l’équipe. Ce fut une grande fierté pour moi de porter l’uniforme des Capitales. Et aujourd’hui, je suis fier de dire que j’ai évolué deux saisons avec ce club-là»
Blais explique qu’il avait 28 ans quand la «pancarte cul-de-sac» s’est allumée dans sa carrière de baseballeur. Sa saison avec les Capitales terminée, il raconte qu’il a pris un clou de trois pouces qu’il a planté dans son cabanon et qu’il y a accroché son gant. Il s’est alors impliqué dans le travail. En c’est 2004 qu’il a joint l’entreprise Ronam Construction. «Ma réputation de bouledogue est encore là. Ça fait partie de mon caractère de foncer et de travailler fort à tous les jours pour atteindre le succès.»
Croyant avoir accroché son gant pour de bon, Blais s’est laissé convaincre par Philippe Genest, un ami d’enfance et un ex-Alouette, de jouer à la balle-molle. Encore une fois, son attitude a dépeint sur ses coéquipiers. Car s’il était le seul à se présenter une heure avant ses matchs afin de bien se préparer à sa première saison, il a vu trois de ses coéquipiers se joindre à lui la seconde et lors de la troisième, huit des 10 joueurs de son club le faisaient. Des joueurs l’ont même remercié pour ses conseils et pour les avoir aider.
«Je suis intense, j’ai mes valeurs de joueur de baseball que je veux garder et je mets beaucoup de cœur. On dirait que les gens se collent à ça et qu’il veut grandir.»
Blais a aussi commencé à donner des cours privés de baseball à des jeunes. Son enseignement ne touche pas seulement les niveaux technique et mécanique du baseball. Il tente aussi de leur transmettre son amour du baseball. Il travaille aussi avec des joueurs ou de lanceurs du midget AAA ou du junior qui désirent s’améliorer.
La saison de baseball junior étant finalement commencée et la réouverture du parc Casault prévue d’ici quelques semaines, l’ex-numéro 8 indique qu’il s’y rendra assurément en une ou deux occasions afin d’assister aux exploits de son ancienne équipe, une formation dont il s’est fait tatouer le logo sur le cœur. Mais il y sera incognito.
«Mon ère est derrière moi. Je n’aime pas m’imposer et commencer à parler de moi. Si on me demande de prendre part à une activité spéciale et de partager avec les gens mon expérience de vie et mon expérience avec les Alouettes, je vais le faire avec plaisir. Mais lorsque je me rends au parc Casault pour assister à un match, c’est pour le regarder. Si je ne suis pas incognito, je vais passer mon temps à placoter avec tout le monde et je ne verrai rien.»
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QUESTIONS/RÉPONSES
En tant que capitaine des Alouettes de Charlesbourg, Joce Blais a toujours pris grand soin de ses coéquipiers. Aujourd’hui en tant que papa de Léa Rose et Sarah Michelle, l’ex-numéro 8 des Alouettes de Charlesbourg en fait autant.
En tant que capitaine des Alouettes de Charlesbourg, Joce Blais a toujours pris grand soin de ses coéquipiers. Aujourd’hui en tant que papa de Léa Rose et Sarah Michelle, l’ex-numéro 8 des Alouettes de Charlesbourg en fait autant.
Q Faits marquants?
R Le retrait de mon gilet par les Alouettes de Charlesbourg. Ce fut une des plus belles journées de ma carrière de joueur de baseball. Tout avait été fait en équipe pour moi. Tous les gars étaient là. Ils sont tous venus me voir et ils m’ont tous serré dans leurs bras. J’ai été bourré d’amour par mes 20 coéquipiers, mes entraîneurs et les gens de l’organisation. J’ajouterais chaque victoire et championnat qu’on a gagnés. Ce fut des moments incroyables. Je vais m’en rappeler tout le temps.
Q Performance marquante?
R Je me rappelle un programme double que nous avons joué à Ahuntsic (Montréal). J’ai eu huit coups sûrs en huit présences au bâton et j’ai lancé un match d’un coup sûr. J’avais été receveur dans la première rencontre et j’avais lancé dans la seconde. J’avais frappé une bombe dans la piscine. Je n’étais pas un gars qui regardait ses coups de circuits. Quand j’ai frappé la balle, les gars sur le banc m’ont dit : «regarde la balle, arrête de courir, arrête de courir!». J’étais rendu à mi-chemin entre le premier et le marbre. J’ai arrêté de courir et c’est là que je l’ai vu tomber dans la piscine. Après ça, je suis reparti à la course au lieu de trottiner pour faire le tour des buts. Je suis hyper actif. Alors j’ai couru le plus vite possible jusqu’au marbre. Ç'a été une super journée.
Q Idoles de jeunesse?
R En tant que joueur de baseball, j’ai tripé sur les Expos. Parmi mes idoles, il y avait Tim Raines, Delino Deshields, Andres Galarraga, Gary Carter, etc.. J’aimais tous ces gars-là. Mais mon idole sportive ç'a été Cam Neely. C’est la raison pour laquelle j’ai porté et que je porte encore le numéro 8. Lui et Gary Carter. J’ai joué au hockey et j’ai tout le temps eu le numéro 8 à cause de Neely. D’ailleurs, mon équipe dans la LNH ce sont les Bruins de Boston. Pour moi, ç'a été le meilleur joueur de hockey et le meilleur athlète que je n’ai jamais vu.
Q Meilleurs joueurs que tu as côtoyés?
R J’en ai vu des joueurs dont des gars qui avaient été repêchés. Les plus beaux joueurs de baseball que j’ai vus dans ma carrière c’est Julien Lépine et Pat (Patrick) Deschênes. Des joueurs de balle talentueux et de bonnes personnes en plus. C’était des gars qui livraient la performance et qui faisaient les gros jeux quand c’était le temps. Ils m’ont tellement impressionné au niveau de leur talent..
Q Ce dont tu t’ennuies le plus de ta carrière?
R La gang. L’unité de famille.
Q Ce qui ne te manque pas?
R De lancer. À la fin, j’avais tellement mal au bras quand je lançais. D’ailleurs, je ne suis plus capable de lancer. Maintenant, je suis receveur quand je joue au softball.
Q Entraîneur marquant?
R Martin Pouliot. Il m’a donné confiance à tous les niveaux. Ce gars-là savait comment aller me chercher pour sortir le maximum de moi-même. Et si j’ai encore confiance en moi aujourd’hui dans tout ce que je fais, c’est grâce à lui.
Q Dans 10 ans?
R Pas loin de la retraite (rires). Je me vois avec la même compagnie de construction. Mon objectif c’est de faire 25 ans chez Ronam construction afin d’avoir mon tatouage. C’est important pour moi. Je fais partie d’une belle équipe. J’aimerais aussi essayer de profiter de ma vie même si je sais que je demeurerai intense dans tout ce que je ferai.
Q Rêve ou défi?
R Ma nouvelle blonde est sportive comme moi. Alors on s’entraîne pour faire la Trail du Cap, une compétition de 18 km disputée en septembre. Le départ est donné à Sainte-Tite-des-Caps et on descend jusqu’au Cap-Tourmente. J’ai bien hâte de la faire. Et je m’entraîne pas mal. Pendant le confinement, je courais après le travail. Maintenant, je cours pas mal trois fois par semaine, le matin avant d’aller travailler. Je me lève à 4h30 et je vais courir. Je trouve que ça me réveille bien comme il faut.
Revue de presse publiée par Jacques Lanciault.
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